Saint Matthieu (chapitre 24, versets 37 à 44)

Jésus parlait à ses disciples de sa venue : "L’avènement du Fils de l’homme ressemblera à ce qui s’est passé à l’époque de Noé. À cette époque, avant le déluge, on mangeait, on buvait, on se mariait, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche. Les gens ne se sont doutés de rien, jusqu’au déluge qui les a tous engloutis : tel sera aussi l’avènement du Fils de l’homme. Deux hommes seront aux champs : l’un est pris, l’autre laissé. Deux femmes seront au moulin : l’une est prise, l’autre laissée. "Veillez donc, car vous ne connaissez pas le jour où votre Seigneur viendra. Vous le savez bien : si le maître de maison avait su à quelle heure de la nuit le voleur viendrait, il aurait veillé et n’aurait pas laissé percer le mur de sa maison. Tenez-vous donc prêts, vous aussi : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas, que le Fils de l’homme viendra."

Ces paroles de Jésus rapportés ici par Matthieu l'ont aussi été par Luc et Marc à peu près de la même façon. Mais cela ne facilite pas pour autant notre compréhension de ce texte. Ainsi, Jésus, qui est lui-même le Fils de l'homme annonce la venue du Fils de l'homme ! Déjà, ce mot de Fils de l'homme n'est pas évident à comprendre puisque pour nous, Jésus est le fils de Dieu, né de Dieu, non pas créé, mais engendré comme nous le proclamons régulièrement dans la profession de foi de Nicée-Constantinople. Cette expression de Fils de l'homme, apparaît de nombreuses fois dans la bible comme synonyme de Fils de Dieu, de Messie, de Sauveur. Mais elle s'applique plutôt à la parousie du Christ, autrement dit à sa venue à la fin des temps. Et d'une certaine façon, à la fin de l'humanité, le Christ sera le résultat spirituel de toute cette humanité, le Fils de l'homme en quelque sorte.

Quant à savoir quel sera le moment de cette fin des temps, c'est une chose qui préoccupe les hommes depuis toujours. Mais cela restera toujours un grand mystère. La science humaine nous apprend bien que l'humanité a commencé il y a entre 60 000 et 20 000 ans : bonjour la précision ! Et la même science humaine estime à 300 millions d'années la mort de notre étoile, le soleil. On a donc largement le temps de se préparer à la fin des temps, me direz-vous ! Le problème c'est que rien ne dit que la fin de l'humanité ne soit pas pour demain ou pour dans une minute. Faut-il s'y préparer ? Je dirais oui sans hésiter.

En fait, la venue du "Fils de l’Homme" constituera forcément une grande surprise. Mauvaise surprise ou surprise bienheureuse selon l’état du cœur de chacun à ce moment-là. Le Fils de l’Homme viendra comme un voleur, par surprise . L’heure de sa venue est tout à fait hors de contrôle et ceci est essentiel.. Qui prétend posséder et contrôler sa propre vie ne permettra jamais que le Fils de l’Homme entre chez lui, son cœur sera verrouillé de toutes parts.

Le Fils de l’Homme doit nécessairement nous surprendre pour entrer chez nous et pouvoir transformer notre vie ! Son apparition doit bouleverser l’espace rangé, protégé, sécurisé et toujours plus ou moins clos de notre vie humaine. Car notre société humaine qui veut se faire elle-même est beaucoup trop à l’étroit pour ce que Dieu veut en faire. Cependant, les choses étant ce qu'elles sont, notre société ne peut se passer de construire sa propre maison et garantir sa vie pour l’avenir. La question est de savoir si portes et fenêtres sont ouvertes ou fermées, si nous attendons on non quelqu’un qui doit venir. Nul n’assure sa vie sur l’avenir en se protégeant de Celui qui est à venir. L’Evangile nous invite donc à veiller, non point pour nous défendre mais pour apprendre à être sans défense. Il faut régulièrement regarder par la fenêtre, ne pas être obsédés par ses biens matériels. Il faut être prêt à tout instant à sortir à la rencontre de Celui qui vient. Faire attention aux affaires de sa maison et attendre celui qui vient vont de pair, à l’opposé d’une installation obsédante dans l’espace clos de notre propre monde et un oubli total de l’avènement du monde nouveau.

Car il vient, il est déjà présent sur le pas de notre porte et il frappe. Sa venue se décline au présent de notre vie. L’humanité ne cesse de vaquer à ses occupations et c'est bien normal : il faut bien labourer le champ et moudre le blé pour vivre. Rien ne semble distinguer un ouvrier d’un autre ouvrier, un couple d’un autre couple, un religieux d’un autre religieux. Le geste, le baiser et l’habit sont identiques ! C’est l’invisible disposition du cœur qui fait toute la différence.

A l’heure surprenante pour tous de l’avènement du "Fils de l’Homme", voici que l’un sera pris et l’autre laissé. Il s’agit donc de laisser ou non l’initiative en toutes choses à Celui qui vient. Et c’est bien dans la vie quotidienne que "Celui qui vient" tient à surgir inopinément. C’est en effet dans ce qui nous est le plus commun que peut apparaître seulement l’inédite nouveauté de son avènement. C'est dans le plus habituel, le plus insoupçonné et dans ce qui nous est le plus intime que se fera sa manifestation. Il est grand temps de laisser le Seigneur de l’histoire et de chacune de nos vies prendre en charge, le devenir de toutes choses et de lui faire une confiance absolue. Préparons donc notre cœur à accueillir la venue du Fils de l'homme à chaque instant de notre vie.

Charles Durand

Le Brûlé - Saint-Denis

10 décembre 2007