Livre
d'Isaïe - chapitre 55 - versets 10 et 11.
Ainsi parle le Seigneur : La pluie et la neige qui
descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre,
sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer, pour donner la semence
au semeur et le pain à celui qui mange ; ainsi ma parole, qui sort de ma
bouche,
ne me reviendra pas sans résultat,
sans avoir fait ce que je
veux, sans avoir accompli sa mission.
Dans ce texte de l'Ancien
Testament le prophète Isaïe rapporte la parole de Dieu qui s'exprime
comme souvent, par une parabole. Plus tard, le Seigneur incarné en la
personne de Jésus utilisera très
souvent cette façon de communiquer. Cela nous aide à comprendre la
parole qui, sans ça, ne serait pas toujours facile. C'est le cas ici :
imaginez que Dieu se contente de proclamer que "sa parole ne
reviendra pas sans résultats". Bon, pourquoi pas , mais encore ?
Qu'est-ce que cela veut bien dire ? Que Dieu est tout-puissant et que sa
parole est toute-puissante. Oui, et alors ?
Eh
bien, la parabole de l'eau, l'eau qui ne fait que passer, tout en fécondant
tout ce qu'elle touche, nous aide à bien comprendre le message de Dieu.
A
la Réunion nous connaissons bien l'expression : "sa com' lo su' feuy'
sonz. Autrement dit, quoi que vous disiez, quoi que vous fassiez, cela n'a
absolument aucun effet sur moi. C'est du moins ce qu'on pense. Mais est-ce
bien vrai ? Déjà, si on prend soin, si on fait l'effort de l'affirmer
aussi clairement, c'est avouer quelque part qu'on a fort bien entendu mais
qu'on ne voudrait bien ne pas avoir entendu ! C'est avouer le contraire de
ce qu'on affirme par l'image de la feuille de songe. Nous sommes des
humains, nous ne sommes pas des feuilles de songe, et les paroles nous
touchent, qu'on le veuille ou non. La parole de Dieu en particulier, même
si nous la refusons, si nous ne voulons pas l'entendre, si nous ne
voulons plus l'entendre, elle ne peut pas nous laisser insensibles.
C'est une question de temps : après l'avoir entendue, nous finirons, un
jour ou l'autre par nous laisser emporter par la grâce et retrouver le
chemin de la foi.
Dans cette image de l'eau
qui féconde la création, je vois aussi une évocation de l'immortalité
de l'homme. Comme l'eau, chacun de nous, ne fait que passer en humanité
entre sa venue au monde et sa disparition. Avec l'impression désagréable
de n'être que le minuscule maillon d'une immense chaîne sans fin. Un
maillon tellement minuscule que notre passage sur terre passera forcément
inaperçu. Les gens qui cherchent à ce rendre célèbres dans l'histoire
ne font que tenter de combattre cet anonymat pour laisser une trace : une
trace qui n'est pas forcément très honorable d'ailleurs. Rappelez vous
Attila ou Hitler : ils ont laissé une trace, mais quelle trace !
Et
nous alors, petits Réunionnais de rien du tout, dans notre petite île de
rien du tout, quelle sera la trace de chacun de nous ? Eh bien, la trace
de chacun de nous est bien plus importante qu'on ne croit, même si aucun
document, aucune photo, aucun son n'a été conservé de notre passage.
Comme l'eau que ni fait que dévaler des montagnes pour retourner à la
mer pour s'y évaporer en nuages qui arrosent les montagnes, nous passons
en humanité en fécondant, en laissant notre trace sur tout ce que nous
avons rencontré. Ce n'est pas parce qu'on ne fait que passer comme l'eau
qu'on ne laisse pas de trace. La trace n'est pas forcément visible mais
elle existe. Nos paroles, nos gestes ont été entendues et vues par nos
proches et nos moins proches qui les ont adoptés ou refusés, mais à
chaque instant de notre vie nous avons une influence invisible sur l'ordre
du monde. Une influence qui nous survivra bien après notre disparition
physique. Songez à l'éducation que vous avez reçue de vos parents, qui
eux-même l'ont reçu des leurs et ainsi de suite depuis le début de
l'humanité : chaque maillon a laissé sa trace et vous laisserez la vôtre,
même si dans deux siècles on aura oublié jusqu'à votre nom et votre prénom…votre
trace sera là !
Ainsi
la parole de Dieu nous féconde depuis des millénaires, avec, en prime,
une trace bien concrète qui est la Bible. On peut
refuser cette parole : s'affirmer athée ou agnostique par exemple.
N'empêche qu'on ne peut pas ne pas avoir entendu la parole de Dieu et
cela laisse des traces qu'on le veuille ou non. Par exemple, qui n'a
jamais entendu "aimez-vous les uns les autres comme je vous
aime" ? Est-ce qu'on peut vraiment rester insensible à cette parole.
Non, décidément, comme le dit Isaïe, la parole ne reviendra pas sans résultat,
notre foi le prouve !
Charles
Durand
Le
Brûlé - Saint-Denis – 12 février 2008