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Charles Durand du Brûlé vous propose de lire ses courriers de lecteur...

 

          

L'intelligence sociale des gérants de stations-services

 

            La fermeture des stations-services de carburants début février a mis en relief une particularité de la distribution des carburants dans notre île. Sauf exception rarissime, le remplissage de votre réservoir est effectué par un employé de la station-service. Un dispositif qui a disparu depuis longtemps en métropole où l'automobiliste se retrouve à "dialoguer" avec un automate. Au nom de la sacré sainte rentabilité, les employés ont été licenciés depuis belle lurette. Tant pis pour l'accroissement du chômage !

            Ici, les gérants ont conservé leurs employés, ce qui diminue leur productivité, comme disent les économistes depuis leurs bureaux confortables. Du coup, la marge du détaillant doit être revalorisée. En effet, cette marge n'est pas seulement un bénéfice. Cette marge comprend bien sûr leur profit (le fruit de leur travail et de leur investissement), mais aussi leurs charges (location, entretien de locaux  et de matériel), et surtout le salaire des pompistes et les charges patronales associées. Les gérants ont obtenu une petite augmentation de cette fameuse marge qui passera en un an de 9 à 10,5 centimes par litre.

            Si on regarde ce qui se passe en France, bien sûr la marge est plus importante ici puisqu'en métropole elle n'est que de 5 à 6 centimes par litre*. En Europe la fourchette va de 7 à 14 centimes par litre.

            Alors, bien sûr, si on raisonne en consommateur égoïste on peut être tenté d'exiger une baisse des marges des gérants. Mais cette attitude aboutirait rapidement au remplacement des pompistes qui, en plus de leur "service", jouent un rôle important dans notre sécurité en dissuadant les délinquants. Est-ce cela que nous voulons ? Mettre au chômage des centaines de pompistes qui peuvent vivre en gagnant dignement leur vie ? Saluons plutôt l'intelligence sociale des gérants de stations-services qui ont compris que l'emploi était essentiel dans notre île. Souhaitons que d'autres remplacent la logique économique par l'intelligence sociale. Alors, si je dois ajouter un ou deux centimes par litre à ma facture de carburant, je le fais avec grand plaisir. Et souhaitons que d'autres acteurs économiques soient moins obsédés par leur compétitivité et maintiennent les emplois : le secteur bancaire qui se déshumanise à grande vitesse serait bien inspiré d'imiter les gérants…

            On notera enfin qu'il est extravagant que, dans notre France démocratique de 2006, des décisions concernant un groupe d'acteurs économiques soient prises dans le secret d'un bureau préfectoral en l'absence des principaux intéressés. Une concertation qui éviterait bien des soucis aux citoyens…et à l'économie locale qui n'a pas besoin de ce genre de hoquet pour assurer son développement.  

Charles Durand

Le Brûlé - Saint-Denis

* voir marges métropole et européennes sur le site officiel : http://www.industrie.gouv.fr/energie/petrole/textes/se_evol3.htm

Un article paru dans Témoignages du 12 mars 2007

La question est, dit-on, à l’ordre du jour : faut-il, comme en France métropolitaine, remplacer les pompes des stations-service d’ici par des distributeurs automatiques ? Faut-il donc, ici aussi, supprimer, comme cela a été fait là-bas, les emplois de pompistes, au nom j’imagine, de la rentabilité ? Si nous avons eu l’occasion de conduire une voiture en France, nous savons ce qui se passe quand nous arrivons dans une station d’essence. On se sert soi-même et on va payer à la caisse ce que l’on doit. Ici, chez nous, c’est un employé de la station-service qui nous sert. Et, sans nous poser de question, on va payer... Il y a de cela de bien nombreuses années, entre les pouvoirs publics, les gérants de stations-service et les sociétés de produits pétroliers, il avait été convenu que la vente de carburant pourrait être l’occasion de créer plusieurs centaines d’emplois. Il en fut ainsi fait. C’est ce que, fort justement, M. Charles Durand, un habitant du Brûlé à Saint-Denis, appelle, dans un tout récent courrier de lecteur, « l’intelligence sociale des gérants de stations-service »... L’automobiliste participe ainsi à la lutte contre le chômage. Dans notre île où ce problème, loin s’en faut, n’est pas banal, cela doit être apprécié à sa pleine mesure. Et Charles Durandn’est pas seul à y penser quand il écrit que « si je dois ajouter un ou deux centimes par litre à ma facture de carburant, alors je le fais avec grand plaisir ». Faut-il, au nom de je ne sais quelle modernité, que notre île s’aligne sur ce qui se fait ailleurs, même si cet ailleurs n’a rien à voir avec notre réalité et que notre façon de procéder est parfaitement et judicieusement adaptée à nos spécificités ? On a envie de le crier haut et fort : ne touchez pas à cette façon que nous avons de vivre notre sentiment réunionnais de solidarité ! Ne nous mettez pas partout vos automates qui, parce qu’il faut améliorer certaines rentabilités, agrandissent de fait le trou du chômage ! Ne nous imposez pas vos visions rétrogrades du rapport entre les hommes ! Et faisons nôtre, là aussi, la pensée exprimée par Edgar Morin et que le “billet philosophique” de Roger Orlu rappelait dans le numéro de vendredi de “Témoignages” : « Il importe de refonder la notion de développement, dont l’application, partout dans le monde, détruit les solidarités traditionnelles, fait déferler la corruption et l’égocentrisme. Il faut que la notion de développement se métamorphose en celle d’épanouissement ».

Raymond Lauret


 

 
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