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Charles Durand du Brûlé vous propose de lire ses courriers de lecteur...

 

Colonisation : si on laissait la place aux historiens…

 

Comme Danièle Horta j'apprécie les "billets doux" de Bruno Testa. Je connais et j'apprécie aussi Danièle, mais je m'en voudrais de ne pas lui faire part de quelques réflexions sur son courrier du mercredi 19. Ayant vécu 7 ans en Afrique du Nord de 1948 et 1955 où j'ai effectué ma scolarité primaire (Maroc) et le début du secondaire (Algérie), je souhaite apporter mon modeste point de vue.

Tout ce que Danièle Horta écrit est exact et personne ne peux raisonnablement le nier. Mais dans toute situation rien n'est jamais totalement négatif ni totalement positif, c'est bien plus complexe que ça. Deux choses me gênent dans le courrier de Danièle Horta. D'une part, elle oublie de rappeler qu'il y a eu des massacres de masse au début et pendant la colonisation, en particulier à Sétif en mai 1945 ; elle omet d'écrire qu'à l'Assemblée Nationale le million d'Européens avait autant de députés que les 8 millions d'Arabes…une sorte d'apartheid à la française générant d'inévitables frustrations dans la majorité de la population. D'autre part, elle décrit la colonisation comme une sorte de "lumière" que nous aurions apportée aux indigènes malades, inorganisés et inaptes à tout progrès. Pourtant ces arabes, ces indigènes que beaucoup considéraient comme des "inférieurs" auraient eu beaucoup de choses à nous apprendre à condition qu'on les écoute. Leurs cultures (arabe et berbère) sont très différentes de la nôtre, certes, mais elles sont très riches et nous devons absolument les respecter. Je me souviens avec émotion d'un coucous dégusté dans le patio du "gourbi" d'un arabe polygame de nos connaissances : une autre planète pleine d'odeurs, de couleurs, de goûts, de délices que je n'ai jamais retrouvé ailleurs. Il est quelque part effrayant dans notre culture judéo-chrétienne où l'Autre est censé avoir une existence primordiale, que le colonialisme ait pu nier l'Autre à ce point. Effrayant, mais pas surprenant.

En effet, notre Constitution française actuelle , en vigueur en 2005, précise bien dans son article 88 que " La République peut conclure des accords avec des Etats qui désirent s'associer à elle pour développer leurs civilisations ". Ainsi rédigé, l'article 88 postule, chez les Etats intéressés, un stade de civilisation inférieur à celui de la République, postulat qui peut surprendre de la part d'un peuple qui a fait de l'égalité plus qu'un principe, un dogme. Dés lors, faut-il s'étonner que la loi du 23 février 2005 qui fait débat avec Alger rappelle dans son article 4 le "rôle positif de la présence française outre-mer"? C'est tout simplement cohérent avec notre Constitution. Faut-il en être fier lorsqu'on sait maintenant que ce genre de "posture" a entraîné la mort de millions de personnes innocentes de tous bords au siècle dernier ?

Quant à intervenir par la loi sur le contenu des manuels scolaires sur la colonisation, c'est jeter aux orties le travail des seuls spécialistes compétents : les historiens. C'est très grave pour notre démocratie.

 

Charles Durand

Le Brûlé - Saint-Denis.

 

 
 
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