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Charles Durand du Brûlé vous propose de lire ses courriers de lecteur...

 

Lettre ouverte aux candidats

 

Devoir civique oblige, dans quelques jours il va falloir voter. Sans conviction, car, comme tous les citoyens ont pu le constater, vos programmes sont tout sauf enthousiasmants. Dans toutes vos promesses, dans tous vos inventaires de mesures plus démagogiques les unes que les autres on cherche en vain, un "souffle" épique susceptible de rallier les suffrages. Non, décidément, on ne trouve rien de bien convaincant dans tout ça et surtout aucun d'entre vous ne se risque à dire vers quelle destinée il veut mener le navire "France". On est loin des envolées lyriques et mobilisatrices qui ont enflammé nos aïeux au siècle dernier lorsque la patrie était en danger ou, de façon moins reluisante, quand missionnaires et militaires allaient porter les valeurs de "la" civilisation dans les contrées peuplées de "sauvages". Notre pays serait-il incapable de nourrir de grand desseins en temps de paix ?

Quelles sont les perspectives que vous nous offrez ? Vous vous engagez à réduire les inégalités ? Bien , pourquoi pas ? Personne n'est contre…mais à condition qu'on ne touche pas à ses propres avantages personnels, quand même. Mais pour quoi faire ? Pour faire disparaître vraiment toutes les inégalités sociales ? Et après, qu'aurons-nous de plus, si tant est que cela soit possible ? L'objectif final est-il de faire en sorte que chaque famille, chaque citoyen dispose strictement des mêmes ressources dans un système purement égalitaire ? Personne ne peut ni croire à ce genre de promesse, ni même rêver de ça ! De toutes façons, aucun d'entre vous ne se risque à donner la précision : non, simplement , "on va réduire les écarts"…jusqu'à quel niveau ? Mystère ! Je peux en promettre tout autant.

Mêmes discours dans tous les domaines : vous vous engagez à réduire le chômage, mais jusqu'où ? Chômage zéro ? Dans quel but ? De donner un emploi à tout le monde ? Ne vous-êtes vous pas encore rendu compte que le plus important pour un individu n'est pas forcément d'avoir un emploi (surtout quand il est précaire ou quand il met le salarié en situation d'exploitation) ? Et qu'en réalité, chaque individu aspire de façon forte et impérative à avoir un vrai rôle social au sens plein du terme. Rôle social dans sa famille proche, éloignée, rôle social dans son voisinage, rôle social dans ses toutes relations humaines et que cela ne passe pas forcément par cette tarte à la crème électorale qu'est devenu le plein emploi. Etre mère ou père de famille serait ainsi une activité de seconde zone ? Un ministre du culte occupe-t-il un emploi ou bien a-t-il un rôle social ?

En 2002, les citoyens français sont adultes, Mesdames et Messieurs les candidats ! Ils ont besoin que quelqu'un ou quelqu'une leur dise quel est le grand dessein de leur pays. Où va-t-on ? Quels objectifs poursuit notre pays ? Le bien-être matériel des ses ressortissants, celui des citoyens des autres pays étant sans intérêt ? Atteindre le niveau de vie matériel de l'Amérique du Nord ? On ne sait pas…A moins que l'exercice du pouvoir soit vraiment votre seul objectif : pour l'instant, c'est le seul que j'arrive à discerner. Un peu juste, non ?

A quelques rares exceptions près, tous les Français mangent, se vêtent, se soignent, se logent, se forment. Mieux , ils se cultivent, peuvent s'exprimer librement…et, si on peut, d'une certaine façon le regretter, ils peuvent consommer, encore consommer et gaspiller. Alors, évidemment, que proposer de plus à des gens déjà aussi gâtés par le destin ? Un peu plus aux corporations qui vont crier, manifester, se mettre en grève ? Plus de croissance et moins d'impôts, histoire de pouvoir consommer et gaspiller plus ? Plus de sécurité en isolant les sauvageons des "bonnes gens", à l'image de ce qui se fait déjà dans les hauteurs de Nice ? Plus de…, plus de…, toujours plus…jusqu'où ?

Une société hyper-matérialiste qui lance les individus dans une course effrénée et vaine vers toujours plus de biens et de confort matériel. Course qui est loin d'être saine : ainsi, peu à peu, sans vraiment en prendre conscience, notre société s'enlise dans un modèle de développement basé sur le malheur des autres. Par exemple, imaginons que vous puissiez supprimer d'un coup de baguette politicien tous les accidents de la route : le résultat serait une catastrophe économique nationale. Un manque à gagner terrible pour plusieurs professions : garagistes-carrossiers et toute la filière auto, ambulanciers et personnels de soin et de secours, établissements de soins,… sans compter une remise en cause drastique du système d'assurance. Même constat dans le domaine de la santé : plus il y a de problèmes de santé dans la population et plus l'appareil national de santé doit se développer : donc plus d'emplois , plus de matériels, plus de médicaments. On se plaint de la montée de l'insécurité, mais on sait très bien que cette insécurité génère un grand nombre d'emplois (une bonne partie de ces fameux emplois que vous promettez, mais vous vous gardez bien de faire le rapprochement !) : les entreprises de surveillance, les convoyeurs de fonds, mais aussi les serruriers et autres fabricants d'alarmes pour les véhicules, dans les logements, etc. Autre exemple, les catastrophes naturelles comme les cyclones, les inondations, les séismes ou d'autres catastrophes comme les attentats et les guerres sont aussi , hélas, des phénomènes créateurs d'activité de réparation, donc de richesse économique et de création d'emploi. On pourrait allonger cette liste, mais on voit bien que si nous ne réagissons pas à cette situation nous allons à grand pas vers un système de société où le malheur des autres devient nécessaire à la survie de chacun (mais, attention au retour de bâton : de temps en temps la boucle boucle sur elle-même).

Il me semble que c'est tout simplement dramatique car les activités positives de création deviennent de plus en plus marginales et dévalorisées. Le meilleur exemple de cette dévalorisation reste le prix des matières premières que nous payons à vil prix à la plupart des pays du Tiers-Monde. Un soi-disant prix du marché, mais qui est massivement manipulé par les grandes puissances. Le résultat est bien connu : c'est la situation dans les pays qu'on ne sait plus comment nommer (pays sous-développés puis pays en voie de développement puis pays moins avancés). Alors, on se donne bonne conscience en "aidant" ces pays au travers de divers organismes sous forme d'une quasi aumône, dont le niveau visé a longtemps été fixé à 0,7 % du PIB et qui vient d'être ramené à 0,39 % : une misère, une injure à ces pays qui se contenteraient fort bien d'une rémunération plus juste et équitable de leurs productions. Voulons-nous perpétuer cette situation ? Changer radicalement la donne ? En attendant, notre pays a plutôt tendance a fermer ses frontières à toutes celles et tous ceux qui n'ont plus d'autre recours que de quitter leur pays d'origine. Aucun d'entre vous ne propose d'ouvrir largement nos frontières à l'immigration ; au contraire ! Mais pourquoi restreindre l'immigration ? Continuer à pouvoir gaspiller allègrement entre nous ? Continuer à veiller scrupuleusement à notre environnement immédiat, quitte à accepter de polluer des pays moins regardants parce que plus démunis et quasiment contraints à ces extrémités consistant à accueillir les déchets des autres ?

Dites-nous donc quels sont les desseins que vous poursuivez en affichant telle ou telle mesure ? C'est autrement plus intéressant que de savoir que chacun d'entre vous va faire un peu dans tous les domaines à la mode pour donner satisfaction à chacun des électeurs. Ca tout le monde peut le faire !

En revanche, donner un sens à son action politique est un exercice que vous avez tous perdu de vue, aveuglés que vous êtes par les nécessités de la compétition électorale. Alors, pensez à nous, petits citoyens lambda et dites-nous franchement où vous voulez nous emmener si vous prenez le commandement du navire. Ca, ça nous intéresse !

Sans réponse de votre part, parions que nombre d'électeurs voteront pour Monsieur Blanc : vous savez celui dont on dit qu'il ne s'exprime pas…

 

Charles Durand

Saint-Denis

 

 
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