L’honneur
des magistrats
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| Publié le 2 novembre 2008
MM. Jean-François Gabin
et Raymond Doumas, premier président de la cour d’appel de Saint-Denis
et procureur général près ladite cour, ont réagi à un courrier de
lecteur anonyme publié le 30 octobre et intitulé “Honte à
l’arrogance et à la fatuité de nos magistrats”.
En
leur “qualité de chefs de cour”, MM. Gabin et Doumas apportent
les observations suivantes :
“Nous
considérons qu’ayant publié cet article injurieux pour l’ensemble de
la Magistrature (notamment locale) vous en avez approuvé les termes.”
“Il
est évidemment facile et “populaire” de manier la démagogie en
traitant les magistrats d’intouchables, de roitelets fats et arrogants
notamment, alors que vous ne pouvez ignorer les difficultés de leurs tâches
que vous soulignez parfois dans vos articles commentant abondamment
l’activité judiciaire à la Réunion.”
“Ce
populisme n’est pas digne de l’éthique des journalistes et n’honore
pas votre journal.”
“Les
magistrats respectent la liberté d’expression mais ne peuvent supporter
qu’elle soit utilisée pour injurier gravement une institution et ceux
qui la servent dans des conditions difficiles.” Fin de citation. S’il
est incontestable que la lettre aurait dû porter signature, non en preuve
de courage (on connaît des fonctionnaires simplement réservés ou des
salariés normalement prudents) mais parce que cela va de soi, MM. Gabin
et Doumas vont un peu loin en estimant que publication vaut approbation.
Que font-ils de l’élémentaire respect de la liberté d’expression ?
Et de Voltaire : je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites,
mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le
dire. Quel sens aurait un courrier des lecteurs qui ne servirait qu’une
pensée ? Nous assumons la responsabilité de la publication des
courriers, comme de l’ensemble des articles des journalistes, point. Le
premier président et le procureur général parlent ensuite de texte
“injurieux”, notamment à l’endroit de la magistrature locale.
Qu’ils conviennent que l’auteur évoque l’institution, certes sans ménagement,
sans s’en prendre aux personnes et les nommer. Une institution qui fait
l’actualité et couler beaucoup d’encre dans les journaux du pays tout
entier. Par la mise au point de MM. Gabin et Doumas, nous apprenons
qu’il n’y a pas que leur ministre, son style et ses méthodes, qui
exaspèrent les magistrats en colère. Ce serait donc au tour, localement,
du Jir… Gageons qu’il n’y a là que péripétie. Nos chefs de cour
évoquent ensuite un “populisme” qui ne serait “pas digne de l’éthique
des journalistes” et “n’honorerait pas” notre journal. Sans
remonter jusqu’au procureur Schiano de triste mémoire, et pour nous en
tenir à quelques exemples cités par notre lecteur, l’affaire d’Outreau,
celle de ce magistrat de Saint-Pierre connu pour ses frasques libidinales
avec les justiciables, récemment la libération d’un multivioleur,
ailleurs le suicide de ce professeur accusé à tort… etc… etc… tous
ces dysfonctionnements honorent-ils la justice ? Sans compter les
injures que le représentant du ministère public, dans son réquisitoire,
déverse régulièrement sur le prévenu ou l’accusé (il nous revient
un “Q.I d’huître” et autre “foie jaune”), sans le moindre
respect de la dignité humaine. Et de la justice, de son éthique.
Laquelle justice et ceux qui la servent, nous n’en disconviendrons pas,
oeuvrent dans des conditions difficiles. C’est même une partie du débat
houleux jusqu’à l’effronterie entre des magistrats et leur Garde des
Sceaux. Le débat reste ouvert. Car c’est bien de ça qu’il s’agit.
Le débat, qui n’est pas l’approbation. Mais la contradiction. Dans le
respect, certes, de l’autre.
J-L.
R.(i.e. Jean-Louis Rabou directeur du JIR)