Réunion-métropole
: pour une révision du pacte colonial
Depuis 1665 la Réunion est une
dépendance de la France, à l'exception d'un bref épisode anglais .
Colonie jusqu'en 1946, l'île est devenue un département français
d'outre-mer à 10 000 kilomètres de la métropole. Pendant plus de deux
siècles d'exploitation coloniale, assise sur l'esclavage puis sur son
substitut l'engagisme, notre île est présentée comme une charge pour la
métropole. Avec, pour corollaire l'exigence d'une reconnaissance des
pauvres Réunionnais vis-à-vis d'une mère patrie généreuse et désintéressée
: le prolongement d'une relation maître-esclave qui ne dit pas son nom.
Il devient urgent de nous défaire
définitivement de notre complexe colonial. La Réunion est le troisième
port militaire français après Brest et Toulon et constitue un point
d'appui stratégique majeur. Autrement dit, sans la Réunion (et d'autres
dépendances ultramarines) la France serait un petit pays sans influence
sur la géopolitique mondiale. Les Américains qui ont déporté les
Chagossiens le démontrent fort bien. En outre, la Réunion fournit depuis
plus de trois siècles bras, cerveaux…et sang à la République.
La moindre des choses est donc
de nous donner les mêmes droits que les autres citoyens. La chanson
lancinante de notre statut d'assistés est insupportable. Si on excepte l'Ile-de-France
et Rhône-Alpes, toutes les
autres régions françaises affichent un solde négatif de transferts
financiers. La Corse est dans ce cas, à la différence notable qu'elle bénéficie
d'un dispositif de continuité territoriale digne de ce nom à hauteur de
180 millions d'euros par an. Un calcul sommaire tenant compte de la
population et de la distance conduirait à un financement de plus de 6
milliards d'euros pour la Réunion ! Une estimation à corriger à la
baisse car la continuité territoriale n'est pas strictement
proportionnelle ni à la distance ni au nombre d'habitants.
Un vrai financement compensant
notre éloignement permettrait de ramener le niveau des prix presque à
celui de métropole et, par contrecoup de supprimer toutes les exceptions
aberrantes touchant aux rémunérations et à la fiscalité. En prime il
n'est pas exclus que l'Etat y gagne tous comptes faits. Cela mérite d'être
étudié dans une vision globale et à long terme des relations entre la métropole
et notre île. Un dispositif global dont la montée en régime devrait être
étalée dans le temps. Et là nous butons sur un des handicaps majeurs de
notre développement : Yves Jégo est le 120ème responsable de
l'outre-mer depuis le début du 20ème siécle et Pierre Maccioni le 51ème
représentant de l'Etat. Peut-on attendre une vision à long terme de la
part de simples "oiseaux de passage" ? Les qualités et compétences
de ces messieurs ne sont pas en cause mais leur "mandat" est
bien trop court.
Nous, Réunionnais, sommes des
gens calmes, dignes et patients. Nous rejetons vigoureusement toute forme
de violence pour faire aboutir nos revendications. Est-ce une raison pour
que l'Etat nous traite avec un mépris qui déclencherait des vagues
d'explosions dans une île méditerranéenne ? Alors, mégoter sur 8
petits millions d'euros de financement de notre continuité territoriale
est-ce bien raisonnable ?
Charles Durand
Le Brûlé - Saint-Denis