Le
soldat, l'ouvrier et le maître.
Il
était une fois un royaume sur lequel régnait sans partage un petit Roi.
Le petit Roi demandait à ses sujets de travailler plus pour vivre mieux
quitte à se tuer au travail. Et ce qui devait arriver arriva. Trois de
ses sujets ont été tués dans leur travail. L'un était soldat, l'autre
ouvrier et le troisième maître d'école. Le soldat et l'ouvrier étaient
nés dans l'île Intense, l'ouvrier travaillait dans l'île des Francs et
le maître travaillait dans l'île de Beauté.
Comme
tous les soldats, le soldat fut un jour envoyé à la guerre au pays des
Barbus par le petit Roi aux ordres de l'Empereur du Monde. Son métier était
de tuer les ennemis, mais en prenant le risque d'être tué à son tour.
Et c'est ce qui arriva, hélas. Le petit Roi qui l'avait envoyé au combat
sentit tout l'avantage qu'il pouvait retirer de ce drame. Aussi, chapelle
ardente au pays des Barbus, obsèques nationales près du tombeau de feu
l'Empereur des Francs et funérailles dans l'île Intense. furent organisées
sous la houlette du petit Roi. Il paraît même que le porte-mitre de l'île
Intense se déplaça pour l'occasion…Et les gazettes de France et de
Navarre furent remplies de sanglots plus hypocrites les uns que les autres
sur la mort du petit soldat.
Quelques
jours plus tard, un ouvrier, natif de l'île Intense, comme le soldat, périt
lui aussi dans un accident du travail. Mais comme il ne tuait personne et
oeuvrait dans les sous-sols obscurs de l'île des Francs, sa mort n'intéressa
point le petit Roi. Il ne pipa mot. Point de chapelle ardente, encore
moins d'obsèques nationales mais une montagne de complications pour faire
venir reposer son corps dans son île natale.
Pendant
le même été boréal, un maître d'école se rendait au travail pour éduquer
des enfants de l'île de Beauté. Mal lui en pris, car les Cagoulés
veillaient et le firent vite passer de vie à trépas. Les Cagoulés ne
sont pas inquiétés par les soldats du petit Roi car ils ont carte
blanche pour animer l'île de Beauté…à condition de respecter les
courtisans du petit Roi. Que croyez-vous qu'il arriva pour le défunt maître
d'école ? Point de chapelle ardente, point d'obsèques nationales. On
subodore que ce triste individu qui osait faire métier d'éduquer les
enfants a été inhumé quelque part, mais les gazettes furent muettes sur
un sujet aussi méprisable. Le petit Roi se tint tout aussi coi cette
fois.
Moralité
? Mais non, il n'y a pas de moralité au royaume du petit Roi
Charles
Durand - Le Brûlé - Saint-Denis
N.B. : toute ressemblance
avec des faits, des personnes ou des lieux existants ou ayant existé ne
peut être que fortuite.