Second tour : pour ou contre le "système" ?

Les résultats officiels du premier tour sont disponibles. Au-delà de la surprise et de l'émotion suscitées, regardons ces résultats d'un peu plus loin…La démocratie c'est le "peuple" au pouvoir. Aux élections présidentielles, ce pouvoir s'exerce en théorie par le vote de tous les Français adultes non privés de leurs droits civiques, en gros 46 millions de personnes sur le territoire de la République.

Plus de 10 % d'entre eux ont choisi de s'exclure eux-mêmes, dès le départ, de ce dispositif en ne s'inscrivant pas sur les listes électorales. Ils ne voteront ni le 5 mai,  ni aux législatives, mais leur désintérêt est le symptôme d'un rejet du "système".

Plus de 25 % de ces 46 millions, un adulte sur quatre, bien qu'étant inscrit, n'a pas voté : c'est le parti majoritaire dans notre pays ! D'une certaine façon, ils ont aussi manifesté leur désapprobation du "système".

Toujours par rapport au total de 46 millions, près de 12 % (Le Pen + Mégret) ont voté ouvertement contre le "système". On est donc déjà à 47 % de Français qui ont pris leurs distances, d'une façon ou d'une autre, avec le "système".

Reste 53 % : le couple Chirac-Jospin à hauteur de  27 % seulement et les autres candidats de 26 %. Dans ces 26 % une bonne partie a probablement manifesté aussi sa désapprobation du "système" en dispersant ses votes sur 13 candidats ou plus ouvertement en votant blanc ou nul (2%).

Au total, à peine un peu plus d'un quart du "peuple" approuve vraiment le "système"…

Les politiques auraient donc tort de négliger le thème du rejet du "système". En 2002, aucun Français n'est épargné par un système social déshumanisé qui donne des pouvoirs considérables à tous ceux qui représentent la collectivité. Qui ne s'est jamais senti broyé par le rouleau compresseur de textes et de règlements qu'on leur oppose à chaque respiration ou battement de cœur. Il ne s'agit pas du tout de désigner du doigt les agents publics, dont l'immense majorité fait de son mieux pour compenser le caractère arbitraire, injuste et contradictoire de centaines de milliers de dispositifs réglementaires. Il s'agit de revoir l'ensemble d'un "système" devenu insupportable.

Un des deux candidats a axé sa campagne sur le rejet de ce "système" : gageons que ce discours lui a permis de ratisser large, tant le ras-le-bol est général. Pour le second tour, il ne fait aucun doute que, dans le secret de l'isoloir, nombre de Français voteront contre le "système".

A chacun des deux candidats de nous dire s'il s'engage à changer radicalement le "système" et comment. A chacun des deux candidats de nous dire aussi s'il compte perpétuer la mise à l'écart de la fonction présidentielle du "système" qui s'impose à tous les autres Français. Ces deux engagements permettraient aux électeurs de faire leur choix avec plus de sérénité sur les autres aspects de leurs programmes.

Charles Durand

(Saint-Denis)