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Charles Durand du Brûlé vous propose de lire ses courriers de lecteur...

 

A propos des statistiques sur la délinquance

 

Un petit débat vient de porter sur les "statistiques" de la délinquance dans l'île et plus particulièrement sur l'évolution des "chiffres" rendus publics sur ce sujet d'actualité.

Je voudrais simplement attirer l'attention de vos lecteurs sur la plus extrême prudence qu'il convient d'adopter avant de s'aventurer à tirer une quelconque conclusion en examinant ces données chiffrées. La raison en est fort simple : les statistiques portant sur la délinquance relèvent de la catégorie des statistiques dites administratives et non d'une investigation de type "enquête auprès des ménages".

Les statistiques administratives proviennent la plupart du temps du traitement de documents établis à l'origine dans un but purement administratif. Autrement dit, ces statistiques sont un bien plus fidèle reflet de l'activité de tel ou tel service que de la réalité socio-économique elle-même. Ainsi, les statistiques sur la délinquance sont très dépendantes de l'enregistrement par les services de police et de gendarmerie des différents actes délictueux ; quant aux condamnations, elles reflètent bien plus l'activité de l'appareil judiciaire que des évolutions réelles de la criminalité. Prenons le cas des viols : il n'y a pas si longtemps une femme qui venait porter plainte pour viol n'était pas forcément prise très au sérieux et faisait rarement l'objet d'un enregistrement administratif ; on peut espérer que , de nos jours, la situation a changé radicalement et que toute personne faisant une telle déclaration est non seulement prise au sérieux, mais reçoit aussi toute l'assistance nécessaire pour surmonter son traumatisme et que l'acte criminel est enregistré avec soin. Est-ce à dire qu'il y a plus de viols de nos jours qu'autrefois ? Peut-être, peut-être pas : bien malin qui pourrait l'affirmer sans risque de se tromper gravement.

Pire, plus les services de police sont actifs et dotés de moyens ad-hoc, plus les chances de repérer et d'enregistrer des actes délictueux augmentent : donc, plus on combat la délinquance, plus on court le risque d'en enregistrer de plus en plus. A l'inverse, et pour caricaturer on peut dire que si on faisait disparaître toutes les forces de l'ordre et leurs dispositifs d'enregistrement on atteindrait alors le degré zéro de la délinquance…d'après les "statistiques" !

Tout ceci pourrait être considéré comme catastrophique : alors, si on ne peut même plus se fier aux chiffres, qui croire ? En réalité, la statistique dispose d'autres méthodes plus rigoureuses que les simples enregistrements administratifs : ainsi, les enquêtes par sondage auprès d'échantillons représentatifs permettent d'approcher les phénomènes socio-économiques de façon bien plus sûre…mais, leur coût est plus élevé puisqu'il faut financer une opération spécifique alors que l'enregistrement administratif est très peu coûteux puisqu'il se résume à extraire des sous-produits de comptage d'activités déjà financées par ailleurs.

Alors, quand on nous sert des chiffres sur un plateau, avec des conclusions toutes prêtes, soyons circonspects et réfléchissons bien sur ce qu'ils représentent réellement : une approche de la réalité ou la mesure de l'activité (et des moyens) d'un service public.

Charles Durand

Saint-Denis

 

 
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